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ANALYSES ET RÉFLEXIONS ÉDUCATION - PARTAGE DES SAVOIRS
LOI LRU (2007 - 2009)
Publié le 17 novembre 2007 | Maj le 23 avril 2020 | 3 compléments

LRU, innovation et économie capitaliste - Comment la LRU risque d’aggraver l’état de la recherche en France


En s’appuyant sur les informations données par Eric Jaillet de la DST de Lyon, sur l’état de l’innovation en France et ses conséquences économiques et sociales, l’article propose une analyse des conséquences de la loi sur l’autonomie des universités, au niveau régional comme national.

La France coule. C’est Eric Jaillet, de la DST qui le dit. Il est en charge des questions de protection du patrimoine industriel, une des trois missions de la DST, sur les régions Rhône-Alpes et Auvergne. Il est seul sur ces deux régions à assurer la mission qui consiste à informer les entreprises françaises sur les dangers du renseignement économique ainsi que sur les moyens de s’en protéger et de contre-attaquer. On l’écoute, et il nous dit qu’en France la situation est très grave.

La DST assure trois missions fondamentales : contre-espionnage, anti-terrorisme et protection du patrimoine. La protection du patrimoine consiste à protéger les industries françaises du vol, du sabotage et de la désinformation venant de pays étranger, y compris du vol de données sensibles, nerf de la guerre dans une économie basée sur l’innovation. Eric Jaillet parcoure Rhône-Alpes et Auvergne pour donner des conférences aux acteurs économique sur ce sujet.

Les enjeux au niveau de l’intelligence économique sont colossaux. Une entreprise dont le fond de commerce est constitué de produits innovants et qui ne se soucie pas du renseignement, est vouée à disparaître, dans le contexte d’une économie mondialisée. Et ceci est vrai quelle que soit la taille de l’entreprise, dont vingt milles sont concernées en France. Là où les japonais et les anglo-saxons ont imposé la règle du jeu depuis longtemps, les entreprises françaises ont eu du mal à la comprendre et sont à la traîne, et avant qu’elles aient comblé leur retard, les dégâts sur l’économie française auront été considérables. En France, chaque année la liste des "technologies clés pour la compétitivité de demain" diminue, et ceci à une vitesse effrayante : 136 en 1995, 119 en 2000, et 83 en 2005 ! Economiquement, la France coule. A pic. La raison de ce retard est que les entreprises françaises ont dormi sur leurs acquis en terme d’innovation, pendant une bonne décennie, alors que dans le même temps les anglo-saxons investissaient à tour de bras dans le domaine, investissements dont ils tirent les fruits alors que les français rament. L’innovation est un investissement sur le long terme, qui paie à coup sûr dans le type d’économie où nous nous trouvons.

Actuellement, seules les plus grandes entreprises françaises sont sensibles à ces considérations de sécurité des données sensibles et de renseignement économique, mais malheureusement, ce sont précisément ces entreprises qui n’embauchent plus depuis longtemps sur le sol français. Celles qui emploient sur le territoire, les PME et PMI, n’ont aucune culture en intelligence économique. Elles se font piller leurs technologies innovantes, et n’ont pas de vue d’ensemble du marché et de leurs concurrentes. Aujourd’hui plusieurs campus français ont ouvert des formations en intelligence économique, mais il semble que cela arrive trop tard pour que le tissu industriel français puisse en bénéficier avant l’effondrement final.

Le renseignement économique est l’œuvre non seulement des services étatiques des différents pays, mais aussi et surtout d’agences privées, qui travaillent pour la concurrence. Et même si la loi interdit certaines pratiques intrusives, comme le piratage informatique, tous les moyens sont bons lorsque les enjeux économiques sont considérables. Ces services de renseignement privés fleurissent partout dans le monde, en France on en trouve 3000. Dans le monde actuel, c’est l’économie qui mène la danse, et quand on sait que parmi les cents premières puissances mondiales, il y a plus d’entreprises que d’états, on comprend vite que les nations ont fait long feu, et que l’action d’information de la DST ne servira qu’à sauver quelques milliers d’entreprises tout au plus.

Dans ce contexte, on peut saisir que le désengagement de l’Etat dans le financement des universités et la loi sur l’autonomie ne fera qu’accélérer le processus. On peut d’ailleurs se demander quelles sont les véritables intentions de ce gouvernement quand il durcit artificiellement les conditions de vie des universités pour accélérer la « sélection naturelle » et faire disparaître celle qui ne pourront s’adapter en n’arrivant pas à trouver des financements nouveaux (privés ou régionaux) pour compenser le désengagement de l’Etat. Dans la région, si la petite université de Saint-Étienne venait à disparaître, ce pourrait être une belle aubaine pour Lyon, qui pourrait ainsi renflouer ses effectifs, notamment en science, secteur en carence depuis plusieurs années (au bénéfice des filières commerciales). Le but ultime semblant bien être celui-là  : reconcentrer les campus en faisant disparaître les petites facs. Mais à l’échelon national, dans un pays où la recherche et l’innovation sont à la traîne, quel peut être le bénéfice de cette stratégie qui leur fera prendre encore plus de retard ? Faire en sorte que la France soit le premier pays où le capitalisme s’écroule ? Alors dans ce cas, pourquoi ne pas ériger Sarkozy en bienfaiteur de l’humanité ?


Proposé par Segognat
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  • Il est également du devoir de la DST d’agiter le chiffon rouge, pour plusieurs raisons qui ne sont pas que la défense des intérêts économiques.

    Ce qui est certain, c’est que 25 années de mauvais management et de désintérêt pour la recherche et pour l’innovation, ne sont pas qu’un problème étatique. Les entreprises qui investissent en R&D savent se protèger. Les pme qui détiennent des savoirs considérés comme statégiques ne sont pas protégés car elles ne sont pas proprement représentées dans les lobbys et les partis politiques, qui font et défont les lois.

    Celà soulève également une question de relation à l’inféodation des systèmes politiques et de sécurité français aux systèmes politiques et économiques anglo-américains. A la libération déjà , les cerveaux français avaient été pillés par le libérateur, sous des motifs divers d’ailleurs : serruriers, ingénieurs, linguistes, informaticiens (...) Les années qui suivent n’ont connu qu’une accélération, en dépit des jérémiades gaullistes. On sait que Pompidou par exemple était très proche, voire manipulé, disent certains, par les services anglo-saxons, les amitiés chiraquiennes aux US sont solides, c’est bien Mitterrand qui avait ouvert la collaboration du renseignement franco américain, quand à l’actuel ?? Il fait l’actu, rien d’autre.

    Le pillage économique se double du manque d’investissement et de ressources. 300 milliards pour les banques, rien pour les entreprises. Nos universités sont pillées par les labos US ou chinois, argentins ou hongrois. L’Etat, empressé de se conformer au dogme du marché, ceux du Gatt et de l’OMC, se rend complice de se pillage. Il a fallu attendre 25 ans pour que le brevet de la découverte du virus HIV par Montagné soit de facto reconnu (Nobel), et les premiers brevets de Gemplus sont tous rachetés par des fonds souverains américains.

    Il va falloir se sortir les doigts du c... comme on dit vulgairement. L’Inde a dépassé la France en matière de brevets déposés. Que fait un Docteur en Maths français qui ne veut pas enseigner ?? Il s’expatrie..... ou se laisse recruter. Il n’y a pas de honte à s’en sortir.

    cordialement

  • Salut,
    Je suis complètement d’accord avec toi, et c’est d’ailleurs pour ça que je pense qu’il faut tout de suite partir sur des revendications d’ordre sociétal, et non pas s’enterrer, comme avec le CPE, sur les simples revendications sur la réforme. Mon article avait ce but là , de donner des arguments pour montrer que cette réforme est une mascarade et que les vrais enjeux sont dans l’organisation de la société. Il faut taper tout de suite au niveau des vraies questions, et ne pas se laisser amuser sur ce leurre.
    Si on ne fait pas comme ça, Sarkozy nous enverra très rapidement les Sardokars. Souviens toi que l’armée à déjà fait des manoeuvres sous Alliot-Marie pour s’entrainer a déloger les mouvements de grève qui « paralyserait l’économie ». Il faut aller tout de suite à l’essentiel.

  • Le problème, c’est justement que beaucoup de nous en ont ras le bol que leurs études et / ou des tonnes d’autres aspects de leurs vies, soient dictées par l’économie capitaliste.
    Le problème, ce n’est pas que l’économie de la france soit moins compétitive, on s’en fout ! (qu’elle s’écroule, c’est peut-être là qu’on rigolera enfin) C’est que les logiques capitalistes, entretenues et soutenues par l’état et ses réformes, nous bouffent la vie.
    On sent de plus en plus le poids de l’économie dans nos études, le poids de la concurrence (entre facs, entre universités, entre étudiant-e-s...), de la rentabilité... Et on sait que partout ailleurs c’est pareil. Voilà pourquoi, à mon avis, nous décidons de faire une grève et mener diverses actions.

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