Le silence est d’or...
Tout d’abord, laisse moi te dire bonjour, cher lecteur. En effet, je te souhaite une bonne journée. Mais tu ne vis peut-être pas une bonne journée, aujourd’hui. Ton patron t’a peut-être réprimandé, ta femme t’a peut-être quitté, ton chien t’a peut-être mordu, tes enfants ont peut-être dénoncé tes petits trafics à la police, tu viens peut-être d’apprendre que tu étais atteint d’un cancer des testicules, et qu’il faut te les couper. Tu vis peut-être, comme on dit, une journée de merde. Oui, parfois, il y a des jours, comme ça, où tout va mal. Malheureusement, je n’ai qu’une mauvaise nouvelle à t’annoncer : cela pourrait être encore pire ! Et comme je te l’ai indiqué plus haut, je ne te le souhaite pas.
Je te souhaite une bonne journée, mais j’ai autre chose à faire que de te la procurer, et de toute façon, ce n’est pas en mon pouvoir. Je veux te parler de choses angoissantes, de choses pénibles à imaginer, de choses dont pas grand monde ne parle... N’ose parler ? Peu importe, parlons en !
Sais tu, cher lecteur, ce qu’est une lobotomie frontale ? Pour les lecteurs qui ne savent pas, laisse moi signaler qu’il s’agit d’une « section chirurgicale des fibres nerveuses qui unissent un lobe du cerveau aux autres régions ». En clair, il s’agit du découpage du cerveau, l’organe qui nous sert, entre autres, à penser. Cette opération chirurgicale valu un prix Nobel à son inventeur. Malheureusement la communauté médicale était la seule satisfaite dans cette affaire ; des familles de patients portèrent plainte, et demandèrent à ce que ce prix soit retiré à l’inventeur de ladite opération. Depuis un certain temps, cette opération ne se pratique quasiment plus. Car les médecins eux-mêmes sont un peu moins enthousiastes, et même, un peu moins convaincus.
Quelles peuvent être les pensées d’un individu à qui on a découpé une partie du cerveau, à qui on a « sectionné les fibres nerveuses qui unissent un lobe de son cerveau aux autres régions » ? Mystère ! Ils n’ont guère l’occasion de s’exprimer.
Ils n’ont guère l’occasion de s’exprimer, et c’est d’ailleurs ce qu’a remarqué le pouvoir Russe à l’époque du communisme. En effet, pourquoi faire du tapage médiatique avec un élément politique gênant, alors qu’il est plus simple de le faire passer pour gravement atteint d’une maladie psychiatrique ! Et tchac ! Une petite « section chirurgicale », et on en parle plus, le bonhomme reste toute sa vie dans une honorable institution où personne n’ira lui demander ce qu’il pense... Les temps sont révolus, les moeurs ont changé ? Peut-être pas tant que ça, malheureusement. Le silence est toujours quelque chose que certains politiciens apprécient beaucoup. Si on en croit les images du reportage de France 2, « Envoyé spécial » sur le naufrage du Koursk...
Bien entendu, nous, nous sommes en France, au XXIe siècle, et bien au chaud... Tout va pour le mieux. Nos politiques ont d’autres pot-de-vins à fouetter que les dissidences politiques, puisque presque tout peut se dire... Oui, presque. Car une personne susceptible de « troubler l’ordre public » est, à nouveau, passible de censure. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter outre-mesure, bien sûr. Surtout pas parce que l’hémisphérotomie (ablation d’un hémisphère cérébral, pour trouble psychiatrique, bien entendu [1]) est une opération vantée jusque dans les émissions de télévision grand public...
Mais restons tout de même vigilant. Ne nous laissons pas emporter ni par nos angoisses, ni par les a priori mielleux qui nous ont soigneusement été inculqués...
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