54 000 ha de terres agricoles disparaissent, chaque année, en France : l’équivalent d’un département est ainsi englouti sous le goudron et le béton, tous les 7 ans.
Ces terres sont remplacées, à 50%, par des maisons individuelles et, à près de 20%, par le développement du réseau routier, accompagnant cette expansion. A cela s’ajoute ici un aéroport, là une plate-forme logistique pour la grande distribution, une zone commerciale, etc.
Le nombre d’exploitations a ainsi été divisé par deux, en 20 ans, tandis que leur surface moyenne a presque doublé (42 à 77 ha).
Les anciennes ceintures maraîchères aux portes des villes ont disparu, remplacées par des cultures céréalières d’exportation sans lien avec les populations locales.
Cet urbanisme favorise la spéculation immobilière, un étalement urbain anarchique, le « tout voiture », ainsi que l’hyper concentration des terres. Cependant, cet accaparement des terres agricoles suscite l’indifférence, alors que la baisse durable et définitive des ressources en énergie fossile et les risques posés par le changement climatique nous menacent.
En revanche, que ce soit au niveau national, européen ou mondial, les politiques agricoles font depuis plus de 50 ans des choix clairs et renouvelés :
Choix d’une politique sacrifiant massivement l’emploi, au profit de la rentabilité
Depuis 20 ans, nous sommes passés de 2 millions à 1 million d’agriculteurs, tout en continuant à provoquer la faillite des exploitations, l’endettement et l’appauvrissement de très nombreux agriculteurs, ce qui pousse au suicide un agriculteur par jour en France, décourage les jeunes et empêche le renouvellement, alors même que nous nous préparons à affronter un chômage de plus en plus structurel.
Résultat, cette population vieillit : alors que 18% des exploitants avaient moins de 35 ans en 2000, ils ne sont plus que 13% actuellement. Les conséquences pour la cohésion et le dynamisme économique, social et culturel des zones rurales sont lourdes (fermeture de commerces, d’écoles, perte de sens…)
Choix d’une politique de mise en compétition internationale
Nous assistons à la suppression de toutes barrières douanières, couplée avec un alignement sur les prix de vente internationaux les plus bas qui favorise la spécialisation, les monocultures destinées à l’exportation et l’élevage industriel.
Cette montée des exportations agricoles, destinées aux consommateurs les plus solvables, entraîne la disparition des cultures vivrières locales, ainsi que l’accaparement des terres par des multinationales de l’agroalimentaire, provocant des famines dans les Pays du Sud, et accentuant les migrations. Cette compétition faussée par les subventions se fait au bénéfice exclusif de l’agriculture la plus industrielle et qui concerne une minorité d’agriculteurs.
Choix, en Europe, d’une politique de subventions massives orientée vers le productivismeLes revenus agricoles s’apparentent de plus en plus à une chasse aux subventions, lesquelles représentent plus de 50% du revenu agricole moyen dans l’UE. Le système est fait de telle manière que la recherche de la productivité est sans cesse favorisée, au détriment de l’emploi, en Europe, et de la justice sociale envers les Pays du Sud vers lesquels nous exportons à bas prix nos produits subventionnés, détruisant, ou empêchant l’éclosion de leurs propres filières.
Cette politique se détourne également de la forte demande des consommateurs pour des produits sains et respectueux de l’environnement. Ainsi, malgré les promesses, en 2010, en France, l’agriculture biologique n’occupe que 2,46 % des surfaces. Les importations représentent 38% de la valeur totale des produits bio.
Une nouvelle menace : les agro-carburantsLes orientations récentes des subventions européennes en faveur des bio-carburants aggravent la pénurie de terres agricoles.
L’objectif de 5,75 % de carburants agricoles, d’ici 2010, dans les véhicules, conduirait à utiliser près de 20 % des terres arables selon l’INRA. Tout cela pour un bilan écologique quasi-nul.
En effet, selon le Réseau Action Climat, les agro-carburants supplémentaires qui entreront sur le marché de l’UE auront un impact plus néfaste pour le climat que les combustibles fossiles qu’ils sont censés remplacer.
Un constat d’échec à produire une agriculture répondant aux besoins et demandes des populations
Ces politiques agricoles productivistes sont, bien évidemment, destructrices de l’environnement et de la biodiversité. Elles empoisonnent et épuisent les sols par les pesticides et engrais chimiques. Elles polluent massivement les ressources en eau et l’atmosphère. Elles assèchent les cours d’eau et les nappes phréatiques. Elles nécessitent une production de gaz à effet de serre pour la production et le transport sur de longues distances.
Les conséquences sur la santé humaine sont toutes aussi lourdes (infertilité masculine, cancers…)
Les risques s’amplifient à mesure que de nouvelles techniques hasardeuses sont autorisées, telle que certains OGM ou l’irradiation des aliments.
Notre accès à une alimentation produite localement et contrôlable est ainsi restreint :
par sa dépendance aux transports internationaux (au marché de Rungis, on importe entre 80 et 90% de viande de mouton, raisins, haricots verts, fraises, champignons, etc),
par la faiblesse des stocks alimentaires (4 jours dans les grandes surfaces),
par l’écrasante domination de seulement 6 groupes de grande distribution.
par l’accaparement des terres, au profit de la culture d’agro-carburants.
Enfin, la délocalisation de la production de l’alimentation conduit globalement à une perte de sens pour les générations présentes et futures.
Ainsi, plutôt que de se demander quel monde laisser à nos enfants, ne faudrait-il pas mieux s’interroger sur l’état des enfants que nous laisserons au monde ?
Cet échec des politiques foncières et agricoles, conduisant à la remise en cause de notre liberté et de notre sécurité alimentaire, exige donc que chacun d’entre nous se mobilise pour préserver et étendre l’agriculture vivrière, particulièrement autour des agglomérations.
C’est pourquoi, nous vous invitons à mener une campagne nationale pour faire changer cette situation en nous adressant à la fois aux responsables politiques, aux agriculteurs et aux citoyens.
Nous demandons aux responsables politiques :
1) de prendre des mesures efficaces et immédiates pour protéger durablement les zones agricoles ;
Geler tout nouveau projet (immobilier, routier, zones commerciales, fermes photovoltaïques, grandes usines à méthanisation, etc) sur des terres agricoles, susceptible de les désaffecter temporairement ou définitivement de leur vocation nourricière,
Insérer la préservation et l’extension des terres vivrières dans des schémas d’aménagement et de développement durable (SCoT, Agenda 21, PLU, PPAEN, ZAP, etc…)
2) d’affecter les terres préservées à l’alimentation des populations locales
…par une agriculture paysanne et biologique diversifiée (maraîchage, arboriculture, céréales, etc.) dans le respect de l’environnement et de la biodiversité et en économisant l’eau et les ressources énergétiques.
3) de permettre l’installation de nouveaux / nouvelles paysan-e-s et de paysan-e-s sans terre , par la location de terres achetées par les Départements, les Régions et des coopératives d’achat.
Il devient nécessaire de refuser de rendre des terres agricoles constructibles et éviter ainsi la spéculation immobilière.
Les SAFER, chargés de cette mission, se révèlent parfois défaillantes, il s’agit alors de rétablir la transparence et de restaurer la pluralité syndicale dans les commissions cantonales des SAFER pour éviter les délits d’initiés, la corruption et les distorsions d’information qui entravent souvent l’accès aux offres de terrains agricoles pour les porteurs de projets ;
4) de permettre une alimentation saine et de proximité pour les populations locales
Assurer des débouchés aux producteurs de proximité en bio pour la restauration collective (établissements scolaires, hôpitaux, maisons de retraite, etc) et se porter garant d’un prix d’achat rémunérateur et équitable pour les producteurs ;
Affecter des espaces verts à l’intérieur des villes pour développer des jardins collectifs notamment autours des habitats collectifs et s’opposer à l’interdiction de maraîchage dans les nouveaux lotissements ;
Favoriser les circuits-courts : marchés & foires de producteurs, les Amaps ou distribution en circuits-courts par la mise à disposition de locaux.
5 ) d’élaborer un projet de développement pérenne de l’agriculture vivrière
Celui-ci viserait l’objectif de 30% de terre urbaines et péri-urbaines des collectivités dédiées à l’agriculture nourricière.
6) de financer, intégralement, une recherche publique agricole indépendante
La création d’un organisme, intégralement financé, par les puissances publiques permettrait de mettre l’innovation au service des citoyens, de l’environnement, et non des multinationales de l’agro-alimentaire avec des unités de recherches redéployées sur des thématiques vouées à jouer un rôle de premier plan à l’avenir, mais à ce jour délaissées, (agro-foresterie, agro-écologie, homéopathie vétérinaire, traction animale, etc.).
Nous demandons à chaque agriculteur :
de céder ou mettre à disposition une ou plusieurs de ses parcelles qu’il ne peut / ne veut pas exploiter à une réserve foncière (régie municipale, départementale ou Régionale ou coopérative) dans le but d’installer de nouveaux / nouvelles paysan-e-s.
de favoriser, dans la mesure du possible, les circuits courts, pour l’écoulement de sa production.
Nous demandons à chaque citoyen :
1) de participer à cette campagne …
en sollicitant dans chaque ville ses élus, et les agriculteurs autour de l’agglomération et de nous faire connaître dans sa région les terres vivrières en danger.
2) de lancer ou d’appuyer partout où cela est possible des initiatives locales qui agissent pour l’agriculture vivrière de proximité :
Jardinage, qu’il soit individuel ou collectif, dans les écoles et collèges, etc. En plus des jardins partagés « classiques » (également appelés jardins familiaux, collectifs, et anciennement jardins ouvriers), créer des associations d’échanges de jardins entre voisins pour que ceux qui ne cultivent pas leurs jardins permettent à des jardiniers amateurs de le faire, pour mutualiser et partager le matériel de jardinage.
AMAP et circuits-courts,
Foire et marchés de producteurs bio.
3) de soutenir financièrement par ses achats :
l’agriculture et l’alimentation de proximité (artisans et producteurs locaux, vente à la ferme, marchés de producteurs), et de les soutenir par l’épargne solidaire dans le rachat collectif de terres agricoles orienté vers l’alimentation locale.
4) de semer des graines, planter des arbres fruitiers partout où cela est possible en ville et en périphérie urbaine (toits, parcs…)
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