L’administration, voilà l’ennemie. Les associations qui accompagnent les étrangers dans leurs démarches ont spontanément tendance à considérer les agents chargés d’appliquer les lois encadrant l’entrée et le séjour en France, au mieux comme des auxiliaires dociles de la politique dite de « maîtrise des flux migratoires », sinon comme des adversaires déclarés des étrangers. Refus d’accès aux guichets, pratiques illégales, règne de l’arbitraire... Les raisons d’entretenir la méfiance à l’égard de celles et ceux qui contrôlent les étrangers ne manquent pas.
Pourtant, l’administration n’a jamais été un bloc de granit homogène : elle est traversée par des logiques politiques, bureaucratiques et sociales qui ne sont pas nécessairement en parfaite adéquation avec les volontés du pouvoir exécutif. De plus, l’imprécision des critères contenus dans les textes de loi laisse une grande marge d’interprétation à celles et ceux qui les appliquent. L’administration doit aussi composer avec des institutions qui lui sont extérieures comme les représentations diplomatiques des pays d’émigration ou encore les associations et collectifs qui luttent aux côtés des étrangers.
Pour montrer ces tensions, on a choisi de revenir sur trois périodes au cours desquelles, les pouvoirs publics, sous couvert de répondre aux inquiétudes de l’opinion, ont démultiplié les lois et règlements visant à criminaliser l’immigration : à la fin de l’entre-deux-guerres, lorsque sous les effets conjugués de la crise économique, de l’afflux de réfugiés et de l’enracinement de la population étrangère, le gouvernement adopte les décrets-lois de 1938, systématisant la police des étrangers et leur internement à grande échelle 1 ; dans les années 1970, lorsque le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing envisage une politique de retours forcés visant des centaines de milliers de Maghrébins — principalement Algériens — qui résident alors en France ; la troisième période, plus récente, s’ouvre en 2003, lorsque Nicolas Sarkozy, d’abord comme ministre de l’intérieur puis comme président de la République, impose aux préfets des objectifs chiffrés en matière d’éloignement au détriment de toute autre considération.
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Cet article est extrait du n° 91 de la revue /Plein droit/ (décembre 2011),
« Les bureaux de l’immigration »
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