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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
Publié le 9 juin 2014 | Maj le 24 mai 2020

Toujours les mêmes galères pour obtenir un transfert - Une lettre d’Alcide, prisonnier à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas


Souvent, des prisonnier-e-s racontent à quel point il est difficile d’obtenir un transfert dans un établissement pénitentiaire qui serait moins pire, et si possible plus près de leurs proches. Pourtant, cela est crucial pour tenir le coup en prison. Voilà pourquoi c’est souvent sur cette question là que les prisonnier-e-s se mobilisent, souvent suite à de nombreuses démarches restées sans suite . Le journal L’envolée n°39, paru en mai, revient longuement sur cette question (voir ici).

Nous publions ci-dessous un exemple de plus : la lettre écrite par Alcide à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas. Il souhaite que sa situation soit connue, dans l’espoir que ça fasse avancer les choses...

Maison d’arrêt de Lyon-Corbas, le 26 mai 2014

Bonjour,

Je vous écris a ce jour car je souhaite que l’on sache qu’à l’ombre de la soi-disant république, les lois et les droits en tant que citoyen certes détenu mais citoyen tout de même et homme avant tout, ne sont pas respectés.
L’administration pénitentiaire n’a que faire des lois qui la régissent, et après se donne un droit de regard sur ce qu’il se passe ailleurs dans d’autres pays en dénonçant la violation de droits fondamentaux. C’est une honte et j’ai honte à leur place malgré que moi même je suis victime de cette vieille machine cassée qu’est le ministère de la Justice et tous ceux qui gravitent autour, tribunaux, prisons, garde de Sceaux,direction de l’administration pénitentiaire qui loge 13, place Vendôme à Paris ; sans doute que l’éclat des vitrines des plus belles joailleries empêchent ces bureaucrates de voir qu’il n’y a point de dignité humaine dans leurs établissements pénitentiaires.

Je ne conteste pas le fait d’être en prison car j’ai plus qu’enfreint la loi de ce si beau pays que j’aime, même s’il est vrai qu’il y a ou plutôt qu’il y aurait pas mal de choses à redire concernant l’intégrité des enquêteurs de la police judiciaire de Lyon qui ont mené l’enquête dans mon affaire, autant par leurs comportements que par leurs agissements plus que douteux mais là n’est pas la question ni le fond et les faits de cette lettre.
Voilà maintenant plus d’une année que j’ai été condamné par la cour d’assises du Rhône à 15 années de réclusion criminelle, là est le problème, pas la condamnation bien que là encore je ne trouve pas normal qu’un juge s’enferme avec le jury pour les influencer en leur verdict, alors que soit disant il revient aux jurés et aux jurés seuls de décider si quelqu’un est coupable ou non, sinon à quoi servent-ils ? La décoration peut être, ou alors un simple artifice pour faire croire à un semblant de justice impartiale.

J’en viens au but, depuis la loi pénitentiaire de novembre 2009, l’article 717 du code de procédure pénale, "tout détenu auquel il reste une peine supérieure de deux ans à subir, peut à sa demande obtenir son transfèrement en établissement pour peines dans un délai de 9 mois à compter du jour ou sa condamnation est devenue définitive". en l’occurrence, j’ai été condamné le 20 juin 2013, je vous laisse faire le calcul, c’est illégal que je sois encore en maison d’arrêt après la date du 30 mars 2014, mais à l’ombre de la république rien ne se passe dans les règles de l’art et cela ne choque personne en ces lieux, sauf quelques surveillants et personnels de cette administration qui sont profondément humain dans l’âme mais malheureusement ils n’ont aucun pouvoir de décision me concernant, ils alertent ceux qui le peuvent mais ils restent de marbre, je ne suis qu’un dossier de plus, un vulgaire numéro d’écrou pour eux.

Le pire dans cette histoire c’est qu’en janvier 2014, la direction régionale des services pénitentiaires de Lyon avait écrit à mon avocat, Maître Jean-François Barre, un type formidable, que courant mars 2014, j’allais être transféré près de mes proches car je me trouve à 800 kilomètres eux et donc sans visite, sans soutien, j’ai même du à mon grand regret, laisser s’envoler la femme que j’aime car on sait bien que les relations à distance ne durent qu’un temps, et moi cela fait plus de deux ans que je suis loin d’elle.

Cependant, malgré la promesse écrite d’un transfèrement prochain, cela n’a pas été le cas, car chose incroyable mais pourtant vrai, cette décision de rapprochement familial a été annulée pour un motif dérisoire, mais en creusant un peu j’ai finalement appris que en vérité il s’agissait d’une guéguerre de bureaucrates et que j’étais au milieu de celle-ci, servant de prétexte pour faire, excusez-moi du terme, chier certaines personnes.

Cette annulation venait de la direction de l’administration pénitentiaire à Paris, plus précisément du bureau gestion et détention. Siège là -bas depuis quelques temps, l’ancienne directrice de la maison d’arrêt où je me trouve. Elle était et d’ailleurs l’est toujours en conflit avec du personnel de cette même maison d’arrêt, je ne suis pas seul, des surveillants sont en procédure au tribunal contre elle, preuve qu’elle agit comme elle veut, et quand elle s’est aperçu que mon dossier venait de son ancien lieu de travail, elle a annulé tout simplement ce transfert car elle le peut vu qu’elle a gravi les échelons dans cette administration, c’est une petite vengeance pour elle mais qui a de graves conséquences pour moi.

J’ai tellement de choses à dire d’autre mais pour cela je manque de preuve à vous donner, alors je me contente de vous dire ce que je peux affirmer, et pour vous faire parvenir cette lettre, j’ai fait évader celle-ci par des personnes de confiance que je remercie car en prison, il est strictement interdit d’écrire aux médias car la censure est présente comme en Corée du Nord, pourtant des gens sont morts pour le droit de s’exprimer et des gens meurent encore ou sont détenus pour le simple fait de faire leur métier ou leur passion, le journalisme, un gros big-up à vous, respect. Et je me fiche de la vengeance que l’administration pénitentiaire pourrait me faire subir si elle découvre que je vous ai écris ou qu’elle découvre un article dans lequel mon nom est cité. Si tel est le cas, je vous remercie de m’avoir lu et j’espère qu’un jour cette lettre permettra de faire avancer les choses.

Très cordialement
Alcide Surais

PS :
j’ai 23 ans et je suis en prison depuis l’âge de 18 ans et ce pour la même et unique affaire, je suis actuellement libérable en 2022, je ne sais pas ce qu’est être un homme majeur et libre, et décidément on ne veut pas que je sache ce que c’est car être détenu en maison d’arrêt empêche la réinsertion, empêche une possible libération conditionnelle compte tenu qu’en ce type de structures, la loi m’autorise à avoir des permissions de sortie qu’à partir de 2019 alors qu’en centre de détention, j’y ai le droit depuis quelques mois déjà , et cela faciliterait une libération conditionnelle en milieu d’année 2016, j’aurai alors effectué près de 9 années de prison et mes obligations et contraintes continueraient jusqu’à la fin de ma peine en 2022. Après avoir passe autant d’années en prison et si jeune, après avoir gâché mes plus belles années, j’aurai et j’ai déjà envie d’autre chose comme vie, et je ne demande pas une seconde mais plutôt la première chance que l’on ne m’a jamais donné, enfance chaotique, père absent et drogué, mère dépressive, expulsé de ma maison à 12 ans par des huissiers, le foyer puis la prison, alors je souhaite vraiment cette première chance d’avoir une vie « normale » un jour prochain, même si ma vie d’avant laissera forcement une trace aux fers rouges sur ma mémoire...


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