Le 27 avril dernier, la « caravane humanitaire internationale pour la paix » en route vers la municipalité de San Juan de Copala (État d’Oaxaca) au Mexique était violemment attaquée par un groupe de paramilitaires : l’UBISORT (Union du bien-être social dans la région triqui). L’agression provoqua deux morts, la Mexicaine Alberta Beatriz Cariño (35 ans), de l’association civile CACTUS (Centre de soutien communautaire travaillant
unis), et le Finlandais Jyri Antero Jaakkola (25 ans), ainsi que plusieurs blessés parmi lesquels des membres de l’organisation VOCAL (Voix d’Oaxaca pour la construction de l’autonomie et la liberté) et deux journalistes indépendants de « Contralinea ».
Les autorités mexicaines ne paraissent pas très préoccupées par ces assassinats et agressions, pas plus par l’impossibilité pour la police de l’État d’entrer sur le territoire pendant un certain temps après les événements du fait du refus de l’UBISORT qui semble le « maître » du territoire. Le gouverneur de l’État d’Oaxaca, Ulises Ruiz Ortiz, n’a pas ouvert d’enquête à proprement parlé et s’est contenté de déclarations
pathétiques dont il a le secret : « C’est incompréhensible qu’un international puisse se balader dans cette zone, nous allons réviser ses papiers… il faudrait encourager l’expulsion d’étrangers qui apportent des problèmes » ; « Il n’entre pas de policiers (fédéraux, de l’État ou municipaux) dans la zone du fait de son haut degré de conflit », légitimant ainsi la présence des militaires et paramilitaires dans cette région du
nord-ouest de l’État. Le gouvernement fédéral n’est pas plus déterminé pour apaiser le conflit et assurer le bien-être des habitant-es mais le procureur général de la République et le ministère public fédéral ont néanmoins ouvert une enquête le 1er mai pour les délits d’homicides et lésions ainsi que la détention illégale d’armes à feu et explosifs.
L’OACNUDH (Bureau des droits humains de l’ONU) semble encore la pluspréoccupée par le cas de Copala ayant dénoncé auprès du président de laRépublique mexicaine, Felipe Calderón, l’impossibilité de travailler et decirculer librement pour les observateurs de droits humains et l’impunitéprésente dans le pays. Elle a lancé un appel pour que se réalise une« enquête impartiale, expéditive et effective des faits pour un procès etune sanction des personnes responsables ». Elle appelle aussi "les
autorités à prendre les mesures pour diminuer (sic !) la violence dans lazone triqui et assurer le respect des droits des peuples et communautésindigènes" comme celui du droit à l’autodétermination reconnu dans laDéclaration des Nations unies sur les droits des peuples indigènes. LaCour interaméricaine a quant à elle aussi ouvert un dossier sur San Juande Copala.
Les agressions s’enchaînent
Cette attaque de fin avril n’était malheureusement pas isolée etsingulière car les agressions, comme pressentis par les habitant-es de lamunicipalité, se sont poursuivies depuis un mois. Le 14 mai, MargaritaLopez Martinez et Susana Martinez ont été séquestrées et menacées pendant deux heures ; le jour suivant, douze habitant-es de Copala avec parmi eux des enfants de un à quatre ans, ont été séquestrés pendant une nuit où ils et elles furent frappé-es, menacé-es et privé-es de tous les vivres et biens qu’ils apportaient dans leurs communautés. Le 20 mai, un des
principaux « leader » et acteur de cette commune indépendante, Timoteo Alejandro Ramàrez (44 ans), et son épouse Cleriberta Castro (35 ans) furent assassinés.
Il semble important d’informer que la recrudescence des agressions contre les communautés de San Juan de Copala se fait sentir depuis octobre 2009 avec une intensification de la violence armée dans la zone et la mise en place d’un blocus de la part des paramilitaires de l’UBISORT.
L’UBISORT est un groupe armé d’habitant-es de Copala qui est opposé à la municipalité autonome et qui est instrumentalisé et financé par le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), parti au pouvoir à Oaxaca. De multiples brutalités, menaces et affaires mortuaires (21 assassinats de novembre à mai) sont à relever depuis sept mois comme les douze personnes de la municipalité de San Miguel de Copala (région basse triqui) tuées fin janvier de cette année car « elles ne voulaient pas soutenir l’UBISORT », selon Victor Castillo, habitant de Copala.
La zone, en plus des agressions perpétuelles subies, s’est vue coupée des nécessités de base comme les alimentations en eau, électricité, télephone et en partie des vivres, ainsi que l’accès à l’éducation et la santé, vu le blocus agencé depuis plusieurs mois. Il est de plus en plus difficile pour les habitant-es de la zone de pouvoir entrer et sortir de chez eux sans risquer de mettre en danger leur vie.
C’est une véritable guerre de contrôle du territoire, entamée depuis les années 1970, qui s’est intensifiée ces derniers temps avec une nouvelle (para)militarisation de la zone en vue de démanteler la municipalité autonome de San Juan de Copala (32 communautés), autodéterminée par le MULTI (Mouvement d’unification et de lutte triqui tndépendant) et des habitant-es le 1er janvier 2007. « Notre autonomie se développe sur nos formes propres d’us et coutumes et notre propre politique, sans partis et sans religion autoritaire. L’autonomie, c’est sauver notre propre culture, notre langue, nos vêtements traditionnels. Pour nous, l’autonomie est simplement être comme nous sommes, cheminer comme nous cheminons, avec notre manière d’être » (Conseil autonome de San Juan Copala).
Cet autogouvernement, sur des bases d’organisations communautaires indigènes (assemblée fondée sur le consensus, travail collectif, radio autogérée…), se développe via ses propres ressources indépendamment de l’État. Il met en place une forme politique tout autre que celles de partis « conventionnels » et est en ce sens un danger de déstabilisation politique pour le gouvernement.
Nouvelle caravane
Dans ce climat des plus réjouissants et pacifique est convoquée par les habitant-es de Copala une seconde caravane d’observation et de solidarité - la « Caravane Bety Cariño et Jyri Jaakkola » - qui partira le 7 juin depuis la ville de Mexico pour arriver le 8 à San Juan de Copala. Elle a pour objectifs d’acheminer de la nourriture aux habitant-es, ainsi que de rompre le cercle paramilitaire de l’État et d’exiger le démantèlement des groupes paramilitaires dans la région ; poser les bases pour construire la paix et la justice que les peuples triquis nécessitent ; fortifier le processus de l’autonomie et de démocratie communautaire ; dénoncer envers la société civile nationale et internationale la situation de violence et de siège qui se vit dans la municipalité autonome.
Alejandro Encinas Rodràguez, député mexicain, a assuré qu’il accompagnerait la caravane avec son groupe parlementaire du PRD (Parti de la révolution démocratique) et servirait de bouclier humain si besoin, alors qu’Evencio Nicolas Martinez Ramirez, le secrétaire du gouvernement d’Oaxaca, a déclaré par voie de presse « qu’il n’y a aucune condition propice pour qu’arrive cette nouvelle caravane, et donc que les intégrants prennent le risque de mise en danger de leur sécurité ».
Agir et Ian
Pour se solidariser depuis l’outre-Mexique
libertadparacopala(at)gmail.com
N° de compte Banamex : 002180010081009145
Pour en lire et en écouter plus sur San Juan de Copala et la situation
politico-militaire au Mexique :
« Agression armée à San Juan Copala, Oaxaca (Mexique) »
http://ch.indymedia.org/fr/2010/04/75332.shtml
« Bien le bonjour du Mexique : le rendez-vous manqué de Copala »
de Georges Lapierre
http://cspcl.ouvaton.org/article.php3?id_article=726
http://ch.indymedia.org/fr/2010/05/75546.shtml
« Mexique 2010 : entre révolution, répression et autonomie » de
Lachaine.ch (Genève)
http://lachaine.ch/spip/spip.php?article184
Vidéos sur l’histoire de Copala (espagnol)
http://casota.wordpress.com/2010/05/07/municipio-autonomo-de-san-juan-copala-2/
« Programme spécial sur la situation de Copala et son municipe » de la Ké
Huelga radio (Mexico) - (espagnol)
http://www.caracolazul.palabraradio.org/2010/05/19/programa-especial-con-victor-carrillo-del-municipio-autonomo-de-san-juan-coapala-oaxaca/
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