La maison d’arrêt de la Loire se trouve à la Talaudière, commune qui touche Saint Étienne.
Il y a 328 places « officielles » dans cette vieille taule pourrie construite en 1968, un quartier hommes, un quartier femmes, et un centre de semi-liberté (construit plus récemment). L’été dernier, un article de plus évoquait la « surpopulation », avec plus de 480 enfermé-es.
Au fil des dernières années, des prisonnier-es et leurs proches, ont pu faire sortir quelques infos au sujet de l’état de cette taule, de ce qu’ils y vivent et des conditions qui sont imposées aux enfermé-es [1].
En 2011, une plainte est déposée par des prisonniers de cette maison d’arrêt. Il y est entre autres question des douches qui ne fonctionnent pas, au sujet desquelles des détenus se sont mobilisés, des murets de séparation dans des boxes du parloirs, du manque de chauffage en hiver et de l’air qui ne circule pas et fait étouffer de chaleur en été.… mais aussi du refus des aménagements de peine, des fouilles en pleine nuit, du mépris et des humiliations quotidiennes qui sont faites aux détenus… et qui ont lieu tant dans des prisons vétustes que plus récents.
Le courrier qui accompagnait cette plainte, précisait ceci :
Revenons-en au but et le pourquoi de cette plainte, nous ne faisons pas ça pour l’argent, ni pour rendre la Talau plus humaine car elle ne le sera jamais ! Notre but est de poursuivre les luttes du passé qui sont bien souvent oubliées comme si c’était un acquis.
Dernièrement en février, un détenu qui avait été condamné à 3 mois de prison s’est suicidé. Sa famille avait alerté le personnel de la prison, notamment le SPIP, de leur grande inquiétude, en disant qu’il allait très mal et qu’il fallait faire quelque chose. Il leur a été répondu « qu’il était en pleine forme, que c’était du cinéma ». Ceci montre quelle considération l’administration pénitentiaire a pour les détenus et leurs proches. La famille a décidé de porter plainte contre eux pour « non assistance à personne en danger ». Interrogé par les journalistes à ce sujet, le délégué syndical local des matons, Thierry Machard, commente ainsi cette mort : « on doit être dans la moyenne ». Et de réclamer évidemment plus de moyens et d’effectifs pour faire leur sale boulot.
Ces derniers mois, de nombreuses mutineries ont éclaté dans différents centres pénitentiaires ( Poitiers-Vivonne, Aiton, Valence, Angers, Longuenesse, Fleury [2]…).
Beaucoup se sont réjoui-es de ces révoltes… Et la justice a condamné à de lourdes peines ceux qui ont été considérés comme des meneurs ( plusieurs années supplémentaires).
Le discours officiel a fait des discours en boucle au sujet de la surpopulation ( rien à voir avec ce qu’ont pu dire des prisonniers concernant leurs colères et désespoirs), et annoncé dans la foulée la création de 33 nouvelles prisons, histoire d’enfermer encore plus… car c’est l’état et la justice qui remplissent les prisons.
A celles-ci se rajoutent celles qui étaient déjà prévues. La construction de la nouvelle prison à Sainté est dans ce cas.
Si les vieilles taules pourries laissent croupir les détenu-es dans la crasse et le froid, les prisons modernes les tuent à petit feu par un isolement perfectionné, une torture qui ne dit pas son nom.
Dans la région, c’est la prison de Corbas qui inaugure l’enfermement moderne en 2009, pour remplacer les maison d’arrêt préhistoriques de Saint Paul et St Joseph.
Mais les beau discours sont rapidement contrecarrés par les faits. Durant 3 semaines, des prisonniers se révoltent dès leur transferts.
Un texte écrit par un nouvel arrivant à Corbas décrit cet enfermement automatisé et aseptisé, mettant les choses au clair : les prisons modernes sont pensées pour isoler, contrôler et soumettre de la manière la plus rationnelle et efficace possible, en utilisant les connaissances et technologies à disposition. Il s’agit de formater ou détruire de manière systématique…
Les nouvelles prisons limitent les possibilités d’échanges, de solidarités et de résistances. Ce qui est pensé comme un « mieux », va toujours dans le sens de faciliter le travail des uniformes. Aujourd’hui, la maison d’arrêt de Corbas est parmi celles qui compte le taux de "suicides" les plus importants. L’ « amélioration des conditions de détention » est une belle enfumade…
À l’automne dernier, on apprend que la future "nouvelle" prison de la Loire enfermera presque la moitié de personnes en plus, et serait construite à Saint Bonnet les Oules.
Assez rapidement, des habitants du secteur s’organisent pour contester ce projet.
Ils organisent plusieurs rassemblements, pétitions, manifestations, opération escargot... Une association est montée pour l’occasion, et le maire se fait également porte-parole de l’opposition. Des rendez-vous avec des personnes et instances toutes plus infâmes les unes que les autres se succèdent, et des courriers leurs sont envoyés massivement : préfet, maire de Saint Étienne, ministre de la justice...
Des pancartes vues lors de ces occasions "oui aux vaches, non aux prisonniers", "la terre au bonnetaire", ainsi que certains arguments ressassés lors des prises de paroles publiques laissent peu de doutes sur le fond de cette opposition : " berk, pas de ça chez nous".
D’après un post de leurs facebook, en décembre un faux courrier signé du maire de Saint Bonnet est distribué dans des boites aux lettres des habitants ; celui ci aurait décidé de porter plainte. Le contenu est reproduit plus bas.
Le 15 mars, le ministre de la justice vient en visite à la Talaudière, inspecter certains bâtiments, et rencontrer les syndicats de matons, toujours prêts à chouiner pour avoir plus de moyens, histoire de pouvoir taper, humilier les prisonniers sans s’abîmer la santé. Certains prisonniers l’ont insulté.
Un rassemblement est appelé par des opposants à l’A45 devant la maison d’arrêt, mais les uniformes cerneront rapidement les alentours, empêchant l’accès aux manifestants.
Durant sa visite un membre du cabinet du ministre invite le collectif localement mobilisé contre la construction de la prison, évitant ainsi qu’ils se manifestent sur le trajet du ministre… Il leur fera des promesses pour les endormir, pendant qu’à quelques kilomètre de là le ministre annonce que la prison devrait bien se faire à Saint Bonnet.
A l’heure actuelle rien ne semble définitif au sujet du terrain de la future prison. Pour autant, où que les autorités décident d’implanter leur usine à punition et torture, il y aura des raisons valables de s’y opposer.
La construction des prisons concerne tout un chacun-e, et les tribunaux ne manqueront pas de condamner à tour de bras pour remplir ces nouvelles cellules, rentabiliser leurs projets destructeurs, maintenir et justifier un climat sécuritaire.
La construction se fera également par étapes, et les chantiers durent en moyenne 2 ans.
Ils se font avec la collaboration de nombreux entreprises et partenaires locaux, qui vont tenter de tirer leur petit bénéfice sur la misère des taulards. Architectes, boites du BTP, agences d’interim… sans compter ceux qui chercheront à placer leurs pions histoires de ramasser des futurs marchés de maintenance et de sous-traitance.
Parallèlement à l’augmentation du nombre de personnes incarcérées, les rangs de la matonnerie gonfleront également. Le rang de ceux prêts à fermer des portes et traiter leurs semblables comme des chiens pour remplir leur propre gamelle. Le rangs de ceux qui se plaignent sans arrêt mais qui derrière leur uniforme écrasent des vies.
Puisque cette situation nous révolte et nous débecte, saisissons toutes les occasions pour tenter de mettre quelques grains de sables dans leur projet funeste, manifester une opposition, mettre en avant la liberté et la solidarité, l’action directe et l’auto-organisation plutôt que la construction de prisons !
Reproduction de la lettre du maire :
Chers administrés
Jusqu’ici la vie était douce à Saint Bonnet les Oules. Nous étions entre nous dans la « petite Suisse » du Forez et pouvions vivre tranquillement avec notre école privée et notre foire des potiers annuelle.
Depuis plusieurs semaines notre quotidien a été gravement perturbé par l’annonce de l’implantation d’une prison dans notre charmant village.
Si nous avons pu dans un premier temps évoquer des problèmes comme la proximité avec le site Seveso, et le gaspillage de terres agricoles, nous sommes maintenant suffisamment nombreux et en force pour affirmer clairement le fond de notre pensée.Nous sommes scandalisés à l’idée que nos enfants puissent prendre le même bus que des personnes qui viennent rendre visite à leur proche incarcéré. Les chiens ne font pas des chats, je ne vais quand même pas vous faire un dessin !
Les entendre qui tentent de communiquer avec les prisonniers par des parloirs sauvages nous causerait du désagrément ... On aimerait qu’ils souffrent en silence, mais non, ils font du bruit. Cela ne cadre pas du tout avec notre qualité de vie, notre environnement sonore relatif au circuit automobile et à l’aéroport.
Et le pire avec les prisonniers, c’est qu’un jour ou l’autre ils finissent par sortir, ou obtenir la semi-liberté. On pourrait imaginer qu’ils soient séduits par les charmes de notre village et décident de rester.
Par ailleurs, nous nous inquiétons qu’ils ne se laissent pas mourir en silence, parfois même ils se révoltent ! Franchement on se demande bien pourquoi. A Valence par exemple, en 1 mois il y a eu deux mutineries. Si ces personnes sont prêtes à prendre des dizaines d’années de prison en plus avec leurs rebellions c’est qu’elles n’y sont pas si mal que ça. D’autant plus que si elles sont enfermées, c’est qu’elles l’ont bien mérité.
Enfin nous, évidemment la prison ca ne nous arrivera jamais.
Dans notre village si paisible, tout le monde suit tout le temps la loi. Nous sommes du bon coté de la barrière, le monde tel qu’il est nous convient parfaitement. Nous n’avons jamais eu réellement faim, nous savons où dormir chaque soir, et notre petite vie nous suffit largement.
Ici, personne ne fait d’infraction routière, on déteste tous les étrangers donc on ne risque pas d’être incarcéré pour un délit de solidarité avec un sans papier... évidemment comme partout il y a des hommes qui violent et frappent leur compagne, mais on les aime bien, ou alors on fait comme si on ne voyait rien. Quand aux délinquants qui volent des voitures, on les remet à la police en espérant qu’ils fassent une bavure, ils ne sont plus à une près.Il parait que des hurluberlus sont contre toutes les prisons, ils disent qu’ils n’en veulent ni ici ni ailleurs, et qu’il faut changer le monde qui a besoin des prisons. Et pourquoi pas vivre sans rapports de dominations, renverser le capitalisme et l’état tant qu’on y est ?
D’ailleurs ça me fait penser à une chose importante, il parait qu’on peut se faire de l’argent sur leur dos, aux prisonniers et à leurs proches. Apparemment la prison c’est très rentable et ça pourrait profiter aux commerces et entreprises locales. On sait bien à quel point l’argent peut ouvrir nos esprits...
Le combat continue
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