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ACTUALITÉS RÉPRESSION - PRISON
Publié le 26 juillet 2003 | Maj le 13 avril 2020

Compte-rendu d’une conférence sur les droits et les devoirs du manifestant


La Présidente du Syndicat national de la magistrature donne des conseils aux manifestants pour déjouer les pièges de la police et de la justice. Compte-rendu de la conférence intitulée « Droits et devoirs du manifestant », prononcée par la Présidente du Syndicat national de la magistrature au théâtre Olympe de Gouges le mercredi 16 juillet 2003.

Prologue : ce qu’est le Syndicat National de la Magistrature et pourquoi il soutient les mouvements sociaux.

Le Syndicat National de la Magistrature a été crée en juin 1968. après mai !!!
Les juges, conscients d’être au coeur du pouvoir de l’Etat, ont alors estimé qu’ils devaient porter un regard critique sur leur fonction. Convaincus qu’il leur est impossible de se placer en dehors de la société pour en juger les membres en quelque sorte de l’extérieur et ainsi se trouver en position d’impartialité et de neutralité, un certain nombre de magistrats ont pris le parti de constater ouvertement que les décisions de justice, loin d’être inspirées par le principe d’une égalité de tous les citoyens face à l’application de la loi, sont partiales et confortent les inégalités sociales. En outre, elles se font l’écho des préoccupations qui agitent le
monde politique et la société toute entière ; ainsi, l’idéologie sécuritaire en vogue actuellement se traduit sur le plan judiciaire par la multiplication récente des procès en comparution immédiate dont font les frais pauvres, marginaux et manifestants.

Inversement, la délinquance économique et financière n’est que peu sanctionnée par les tribunaux (cf l’issue du procès Elf : Jean-Claude Trichet devient finalement président de la Banque de France !)

Face à cette dérive, le Syndicat National de la Magistrature met en avant pour la défense des manifestants et autres syndicalistes le principe d’un « état de nécessité » qui serait à prendre en compte au moment des procès. Voici l’argumentaire : étant donné que la situation contre laquelle se sont élevés les manifestants était à la fois pressante et menaçante et que leur réponse était proportionnée à cette menace, il n’est pas juste de les punir pour les dégradations, occupations, outrages et rebellions contre les forces de l’ordre qu’ils ont commis ; autrement dit, à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle : le Parquet ne devrait pas poursuivre les auteurs de ces délits (rien de plus finalement que le bon vieux principe du devoir de désobéissance ? ...) C’est sur la base de cet argumentaire que le Syndicat National de la Magistrature a témoigné en faveur de José Bové lors du procès de Foix.

Les droits et les devoirs du manifestant

Précision liminaire : la police écrit, interprète et applique la loi comme bon lui semble (dixit la Présidente du Syndicat National de la Magistrature).

Que faire en cas de contrôle d’identité ?

Tout d’abord, il faut préciser qu’un contrôle d’identité ne dépend théoriquement pas de l’humeur de la police. Celle-ci en principe ne le déclenche que dans le cas où un délit vient d’être commis dans les environs immédiats ou qu’il se prépare (ce qu’elle doit être en mesure de prouver).

Autre cas justifiant une opération de contrôle d’identité : lorsque le Procureur, ayant assigné une zone précise, donne des réquisitions de contrôle : la police doit alors vérifier l’identité des gens et s’assurer qu’ils n’ont pas sur eux d’armes, de stupéfiants., à l’intérieur de ce périmètre.

Elle est alors amenée à effectuer des palpations de sécurité (mais pas à déshabiller les gens, comme dans le cadre d’une fouille au corps lors d’une garde à vue).

Attention : il faut savoir que la définition d’une « arme » est plutôt floue ; ainsi rentre dans la catégorie des « armes par destination » des objets aussi divers qu’un briquet, un stylo laser, un canif de poche. et qu’à Annemasse, la police a arrêté une personne parce qu’elle transportait dans son coffre une pelle, une pioche et des tuyaux (c’était un archéologue !).

Quelques droits à rappeler.

- Si l’on possède la nationalité française : il n’est pas obligatoire d’avoir sur soi une carte d’identité on peut prouver son identité par tout document pourvu d’une photographie qui mentionne ses coordonnées (carte orange, carte d’étudiant, carte de bibliothèque.) Cependant, la police peut procéder à une vérification d’identité ; on risque alors de se retrouver au poste (pour un maximum de 4 heures).
- Si l’on ne possède pas la nationalité française, on doit être en mesure de prouver à tout moment son identité par un visa, passeport, permis de séjour en cours de validité. Cependant, la police n’a pas le droit de contrôler l’identité au faciès. D’après un arrêt de la Cour de Cassation, elle a l’obligation de se fonder sur autre chose que l’apparence physique (vêtements ou couleur de la peau) pour procéder à un contrôle ; la liste des « indices » autorisés est la suivante : la personne circule dans une voiture immatriculée à l’étranger ; elle lit un journal en langue étrangère ou elle joue d’un instrument de musique étranger (?!). En dehors de ces cas, le contrôle d’identité est déclaré nul (ce dont la police n’a cure bien évidemment).

Dans tous les cas, un conseil : rester poli et calme ; au moindre haussement de ton, la police considère qu’il y a outrage à personne dépositaire de l’autorité publique (12500 personnes par an sont condamnées pour cela ! Il faut savoir que si vous contestez, les juges donnent de toute façon presque toujours raison aux policiers). Dans les textes, la peine prévue pour ce délit est d’un an d’emprisonnement. Dans les faits, la première fois on risque une peine avec sursis mais inscrite au casier judiciaire et en cas de récidive, deux ou trois mois de prison ferme. Si décidément vous n’avez pas été sage, la police considère qu’il y a rébellion contre personne dépositaire, etc. et vous place alors en garde à vue.

Que faire en cas de garde à vue ?

Nos droits :
- être informé du motif de la garde à vue, de ce qui nous est reproché pouvoir faire prévenir un proche par la police (les portables sont confisqués, bien sûr.)
- pouvoir consulter un avocat, qui doit être appelé immédiatement. Une fois qu’on a décliné son identité, on a le droit de refuser de répondre à toute question avant de l’avoir vu. Il vaut mieux avoir sur soi les coordonnées d’un avocat qu’on connaît ou qui soutient les mouvements sociaux (à prévoir avant la manif), sinon, on vous en présente un commis d’office. On doit pouvoir s’entretenir avec lui confidentiellement pendant 30 mn ; on peut avoir confiance en lui, il ne balance rien à la police et il a besoin d’être informé précisément pour aider par ses conseils. On doit pouvoir le voir une seconde fois au bout de la 20e heure de garde à vue.
- pouvoir consulter un médecin à tout moment. En cas de violences au moment de l’interpellation ou pendant la garde à vue, il faut les faire constater immédiatement en se faisant conduire à l’hôpital (le constat d’un médecin privé n’est pas valable). Là, un certificat médical est délivré, qui permet de porter plainte ultérieurement. Pour cela, il faut adresser un courrier au procureur relatant les circonstances dans lesquelles se sont produites les violences et joindre le certificat. Dans 90% des cas, c’est classé ! Il faut alors formuler une seconde plainte devant l’IGS (la police des polices) en joignant un double du constat et devant le juge d’instruction, avec l’aide d’un avocat. Cela vaut la peine d’insister : les plaintes touchant presque toujours les mêmes policiers, ceux-ci au bout d’un moment finissent par avoir des ennuis.

Quelques conseils :
- rester poli et calme (voir plus haut) pendant la garde à vue, qui peut durer jusqu’à 48h (24h renouvelables sur demande du procureur) : prouver son identité, si besoin avec l’aide du fichier national des cartes d’identité et se faire remettre un PV au bout de 4 heures d’interrogatoire maximum, à relire attentivement et à faire modifier si nécessaire. Il doit comporter tout ce qui a été dit lors de l’interrogatoire et rien que cela.
- Ne pas hésiter à faire corriger les « erreurs » ou à faire rajouter les omissions. Si la police refuse, rectifiermanuellement en précisant « j’ai demandé que soit mentionné la chose suivante, ce qui m’a été refusé » et signer. Il est très important de le faire car cela a valeur de preuve.
- faire attention à ne pas accuser involontairement d’autres personnes lors de l’interrogatoire

Une garde à vue vous vaut le privilège d’être inscrit dans le fichier informatique du STIC (système de traitement des infractions constatées).

C’est un fichier, légalisé par les lois Sarkozy, où sont inscrites toutes les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions (même si elles n’ont jamais été condamnées !) L’inscription reste valable pendant 20 ans.

Ce fichier contient environ 5 millions de noms. Il faut savoir qu’il est bourré d’erreurs : on estime que 25% des personnes qui y figurent le sont par erreur (par exemple, si vous portez plainte pour le vol d’un objet, vous pouvez vous retrouver dans le fichier du STIC en tant que personne soupçonnée de ce vol !). Il est important d’écrire à la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) pour savoir à quel titre on est dans le fichier et se faire rayer du fichier au cas on y a été inscrit par erreur La garde à vue peut déboucher sur un procès en comparution immédiate (c’est à la mode en ce moment) : dans ce cas, on est transféré au Palais de justice dans les heures qui suivent ; sinon le procès a lieu ultérieurement.

Que faire en cas de comparution immédiate ?

- On peut refuser d’être jugé immédiatement si l’on estime qu’on n’a pas eu le temps de réunir suffisamment de témoignages et de preuves durant la garde à vue pour
préparer sa défense. Le problème, c’est que dans ce cas le juge vous envoie en prison pendant 2 à 6 semaines, le temps que vous prépariez votre défense et qu’une place se libère au tribunal.
- Devant le tribunal, répondre aux questions de manière posée et précise et apporter le maximum de témoignages en sa faveur. Ceux-ci peuvent être de nature variée : photographies, bandes vidéo (à Annemasse, cela a permis de disculper un prévenu accusé par la police de rébellion) -le problème, c’est que la police confisque et casse très souvent les appareils photos ou les caméras des manifestants.-, dépositions de gens qui ont assisté à l’interpellation. A ce propos, il est très important d’échanger avec ses voisins ses coordonnées au cours d’une manifestation ; en cas d’arrestation, cela permet de retrouver des témoins qui pourront déposer en notre faveur. Lors de la garde à vue, il faut demander à l’avocat de prévenir ces témoins afin qu’ils puissent être présents lors du procès.

Réponses à des questions diverses.

La police a-t-elle le droit de nous faire enlever nos autocollants à la sortie d’une manif ?
Non : et la liberté d’expression ! Ceci dit, si vous refusez d’obéir à ses ordres, elle peut vous accuser de rébellion.

A-t-on le droit de photographier ou de filmer un policier ?
Oui, comme n’importe quel autre citoyen... mais il arrive que la police confisque arbitrairement appareils photos et caméras si vous filmez des scènes qui la gène.

Une association ou une coordination peut-elle être condamnée si l’un de ses membres commet une infraction ?
Non : la responsabilité est individuelle. Cela dit, une loi est en train d’être votée, qui prévoit de condamner en tant que personnes morales et de sanctionner sur leurs biens les associations qui aident les sans-papiers lorsqu’un de leurs membres aura été convaincu du délit d’avoir aidé un clandestin à demeurer de manière illégale sur le sol français. ce qui condamne ces associations, privées de fonds, à disparaître rapidement. Il faut savoir qu’en Grande Bretagne, Thatcher s’est servi d’une législation similaire pour venir à bout des syndicats de dockers.

Que risque-t-on lorsqu’on fait une action de blocage ?
Si l’action s’accompagne de dégradations, ce délit est sanctionné par 5 années d’emprisonnement ; si l’on empêche simplement quelqu’un de passer, il faut faire attention à ne pas tomber sous l’inculpation de violences volontaires ; enfin le blocage en lui-même est sanctionné en tant qu’entrave au droit du
travail.

Aurélie LECOEUR.

P.-S.

Pour en savoir plus : à la rentrée un petit opuscule, actuellement épuisé, dont l’auteur est le Syndicat national de la magistrature et qui a pour titre Vos papiers ! (éditions de L’esprit frappeur) reparaîtra, augmenté des lois Sarkozy.


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